Les îles sont souvent considérées comme des laboratoires à petite échelle des enjeux globaux, mais aussi d’excellents pilotes pour l’innovation. Les pêcheurs de l’île méditerranéenne de Pantelleria, située entre la Tunisie et la Sicile font face à une diminution d’année en année de leurs rendements de pêche. En cause ? Les pressions combinées d’une forte plaisance estivale, et d’une pêche traditionnelle avec un impact croissant sur les habitats côtiers à mesure qu’elle est devenue commerciale. Quand les herbiers de posidonie sont arrachés, les fonds sableux déstructurés, et les fonds rocheux raclés, c’est la vie marine qui est privée de support et la sécurité alimentaire et économique des populations qui est remise en question.

L’état de dégradation est tel que les écosystèmes marins perdent aussi en résilience face au changement climatique et aux espèces invasives : une restauration active des habitats-clés est devenue nécessaire. Un consortium interdisciplinaire constitué de pêcheurs, habitants et chercheurs va collectivement réinstaller les espèces ingénieurs, garantes de la structure et de la fonctionnalité de l’écosystème.  300 plants de posidonie (nurserie essentielle et puits de carbone, notamment), 100 fragments d’éponges (épuration et filtration de l’eau, favorise les liens avec le milieu pélagique), et 500 boutures de gorgones (densification de l’habitat par buissonnement, support de vie de la faune érigée) seront réinstallés dans une zone spécifique de l’île.

Des enquêtes terrains pour reconstituer l’historique de la biodiversité perdue, serviront de base pour définir les objectifs de restauration, tout en maximisant l’appropriation du projet par les habitants de l’île. L’utilisation ‘avant/après’ de la photogrammétrie 3D, technique d’imagerie de pointe, permettra de convaincre les derniers indécis du retour de la vie marine. Grâce à ces arguments, les leviers institutionnels seront activés pour l’obtention d’une aire de protection spécifique, permettant d’achever la transition technico-économique de l’île vers une pêche gérée durablement, et une diversification vers des activités non-extractives telles que l’écotourisme.