LES ALGUES
Quel rôle dans la régulation du climat ?
Quelles solutions durables peuvent-elles nous apporter ?
Les premières algues sont apparues sur terre il y a plus de 3 milliards d’années. D’abord unicellulaires, elles ont évolué progressivement pour former les premiers organismes multicellulaires complexes, capables de photosynthèse. C’est-à-dire capable de se développer en utilisant seulement l’énergie de la lumière et quelques éléments minéraux (dont le CO₂). On en distingue deux catégories: les macroalgues (pluricellulaires) et les microalgues (unicellulaires et souvent microscopiques), et en plusieurs classes, selon les pigments qui les colorent: algues bleues (cyanobactéries), algues vertes (Chlorophytes), algues rouges (Rhodophytes) et algues brunes (Phaeophytes). Les algues vertes ont donné naissance, il y a 500 millions d’années, à toutes les plantes terrestres (Embryophytes) : ensemble, ils forment “la lignée verte”, qui comporte les plantes avec un pigment majoritaire: la chlorophylle.
Les algues présentent une importante diversité de formes, de métabolismes, et sont à la base d’écosystèmes très différents : les laminaires forment des forêts marines (comme les forêts de kelp) dans les eaux froides et lumineuses, quand des algues calcaires peuvent construire d’immenses massifs calcaires sous-marins dans les profondeurs (l’habitat coralligène de Méditerranée).
L’importance des algues dans la régulation du climat.
Les algues jouent un rôle majeur dans la composition de l’atmosphère, et donc dans la régulation du climat. 50% de l’oxygène aujourd’hui présent dans l’atmosphère a été produit pendant des centaines de millions d’années par des microalgues, consommant du CO₂ et relâchant de l’O₂ par la photosynthèse. A leur mort, elles se déposent sur les fonds marins, emprisonnant à long terme le CO₂ dans les sédiments: c’est la pompe biologique de carbone.
Les algues sont directement impliquées dans de nombreux événements majeurs de l’histoire géologique de notre planète. Il y a 2,45 milliards d’années, les algues bleues (cyanobactéries) ont été à l’origine de la Grande Oxygénation (1), libérant des quantités massives d’O₂ dans l’atmosphère, créant en même temps la couche d’ozone (O₃).
On pense aussi que c’est grâce à la consommation d’algues, de poissons et d’autres produits de la mer riches en acide gras polyinsaturés (oméga-3 par exemple), que notre espèce Homo Sapiens a pu déveloper un cerveau performant (2).
Les algues, une solution pour nourrir la planète ?
Si les océans couvrent 73% de la surface terrestre, les produits de la mer constituent aujourd’hui moins de 3% des calories dans notre alimentation (3). Pourtant, les macroalgues sont toutes comestibles et une immense ressource alimentaire encore peu exploitée, alors qu’elles pourraient représenter une solution face à la sur-exploitons des terres agricoles, et à l’insécurité alimentaire dans certaines régions du monde. Attention, à très forte dose, certains s’avèrent toutefois toxiques (4).
Certains pays, pour des raisons culturelles ou nutritionnelles, consomment beaucoup plus d’algues, avec de réels bénéfices pour la santé humaine. Certaines sont notamment très riches en vitamines B12, une vitamine rare dans les régimes alimentaires végétariens ‘terrestres’, et leur vertues médicales sont très recherchées (5). Une forêt d’algues Macrocystis (algue brune de 40 m de haut) présente une croissance pouvant atteindre 40cm par jour (6), une productivité inégalée par les cultures terrestres.
Par ailleurs, les forêts d’algues sont des habitats importants pour la biodiversité marine. Certains élevages de poissons et de coquillages bénéficient de la culture d’algues: celles-ci leur fournissent oxygène, abri et nutriments ; quand les algues bénéficient du CO₂ et des déchets organiques (nutriments) rejetés par ces espèces. Ces associations fonctionnelles donnent la possibilité de créer des permacultures multi-espèces respectueuses de l’environnement (7),(8).
Au Japon, où les algues représentent jusqu’à 10% de l’alimentation, on remarque très peu de certains problèmes de santé comme le cancer du sein chez les Japonaises (probablement liés à leur teneur en probiotiques, et d’éléments anti-cancer)(9). La Chine, premier producteur mondial d’algues (10), produit 10 millions de tonnes d’algues par an, pour sa population d’un milliard de personnes.
Des algues pour remplacer le plastique
L’utilisation d’algues comme biomatériaux est aujourd’hui une alternative très recherchée en réponse à la production excessive de plastique dérivés du pétrole. De nombreuses startups travaillent au remplacement du pétro-plastique en créant des sacs, des bulles d’eau et des emballages à partir d’algues: des bioplastiques (11). Les proliférations de sargasses et d’algues vertes sont devenues les symptômes de modèles agricoles intensifs dérégulés (12), aux conséquences néfastes pour la biodiversité et les sociétés humaines (13); ces innovations présentent une voie de valorisation de nos pollutions biologiques, et des alternatives crédibles à la pétrochimie, tout en captant une partie du carbone atmosphérique.
Des algues dans l’agriculture terrestre
Plusieurs applications dans l’élevage et l’agriculture terrestre sont envisagées. Une partie de l’alimentation des élevages animaux pourrait être substituée par des algues, dont la production ne nécessite ni eau, ni engrais, ni sols agricoles. Selon certaines études, si 20 g d’algues étaient consommées par les vaches chaque jour, l’émission de méthane de leur rots pourrait diminuer de 90%,(Asparagopsis taxiformis) (14). Elles peuvent aussi être utilisées comme fertilisants ou phytosanitaires pour certaines cultures (15).
Selon la Commission Européenne, qui a adopté le 15 novembre 2022 une communication intitulée «Vers un secteur des algues de l’UE fort et durable», et qui présente 23 propositions pour favoriser la culture des algues : «La culture des macroalgues permet la régénération des océans et des mers en éliminant les nutriments qui sont à l’origine de l’eutrophisation. Elle présente une faible empreinte carbone et environnementale, tout en offrant des possibilités prometteuses en matière de séquestration du carbone.» (16).
Mais pour ça il faudrait non seulement démocratiser la consommation d’algues dans notre culture européenne, mais aussi mutualiser les savoir par rapport à sa culture. Avec seulement 50 ans d’algoculture derrière nous, nous manquons de données sur l’impact écologique potentiel de la culture d’algues à grande échelle.
Agathe Martocq