Des nouvelles de l’expédition de recherche pour cartographier les habitats coralligènes non protégés de la mer Égée !
En 2021, l’Institut de conservation marine Archipelagos a mené une expédition de 14 jours dans l’archipel de Fourni, dans la mer Égée, en Grèce. L’expédition visait à cartographier, documenter et collecter des données sur l’un des habitats les plus fragiles de la mer Méditerranée : les habitats coralligènes. Considérés comme le “secret le mieux gardé de la Méditerranée”, ces écosystèmes clés sont rarement étudiés, malgré leur grande valeur de conservation et leur incroyable beauté. Ils sont largement inconnus du grand public et font face à une destruction anthropogénique croissante, principalement par les dommages causés par le chalutage de fond.
L’expédition a pour but d’acquérir des données préliminaires importantes sur la distribution des habitats coralligènes non étudiés et non cartographiés, tout en élargissant les connaissances actuelles sur la biodiversité, la taxonomie et la vulnérabilité de ces écosystèmes dans la mer Égée. En outre, la cartographie pilote sera utilisée pour encourager l’application intégrale des réglementations existantes au niveau (inter)national. Notre objectif est d’établir des zones d’interdiction de chalutage afin d’arrêter la destruction en cours de ces écosystèmes marins productifs et très importants avant qu’il ne soit trop tard.
Des cartes précises sont une condition préalable essentielle à la gestion et à la conservation efficaces des habitats coralligènes. Pour produire des cartes de la distribution du coralligène, le rôle actif des pêcheurs locaux est inestimable. Depuis près de 15 ans, l’Institut Archipelagos et les communautés de pêcheurs locales ont développé une relation de confiance mutuelle, en échangeant leurs connaissances de la mer. Ensemble, nous voulons mettre un terme à la destruction de ces écosystèmes marins productifs avant qu’il ne soit trop tard. Lors de l’accostage sur les petites îles, les soirées ont été l’occasion d’un dialogue approfondi avec les pêcheurs locaux, afin de partager les connaissances existantes et récemment acquises et de produire des cartes préliminaires de la distribution du coralligène.
Grâce aux efforts de l’équipage du navire de recherche Aegean Explorer et des pêcheurs locaux, le projet a permis de découvrir plusieurs habitats intéressants près de l’archipel de Fourni. Dans une zone marine de seulement 7000m2, l’équipe internationale à bord a identifié plus de 250 espèces de flore et de faune marines, dans la zone mésophotique (à environ 100m de profondeur). L’une des espèces les plus intéressantes, la plume de mer phosphorescente (Pennatula phosphorea), formait de magnifiques “jardins sous-marins” dans notre zone de recherche. Malheureusement, la Pennatula phosphorea est répertorié par la liste rouge de l’UICN comme une “espèce vulnérable” dont la population diminue. Leur distribution autour de la mer Égée reste inconnue, ce qui les rend extrêmement sensibles au chalutage de fond et aux autres impacts humains.
Autre découverte intéressante : la localisation d’une vaste “forêt” de corail noir à une profondeur de 100 mètres. Les forêts de corail noir constituent des habitats essentiels pour de nombreuses autres espèces marines (requins, raies, calmars, etc.) qui y pondent leurs œufs. Le corail noir est une espèce protégée, qui est également menacée par les chalutiers. Selon la législation grecque, l’exploitation du chalutage à engins traînants n’est pas limitée dans la zone où se trouvait cette forêt de corail noir. Le chalutage continue tant que les autorités grecques n’ont pas cartographié ces habitats marins protégés jusqu’à ce jour. Par conséquent, cette forêt de corail noir est confrontée à un risque constant de destruction irréversible.
L’objectif ultime du projet à long terme “Protecting Aegean Coralligene” est de s’attaquer à la plus grande menace qui pèse sur ces habitats essentiels et à la nécessité d’appliquer immédiatement la législation existante pour interdire les engins de chalutage remorqués. Une fois cette mesure mise en œuvre, la survie de ces hauts lieux de la biodiversité sera assurée pour les générations futures. Le consortium de recherche se concentre avant tout sur les archipels de Fourni et à l’échelle de la Méditerranée. Avec le soutien du Pure Ocean Fund, Archipelagos – Institut de conservation marine et nos partenaires, Oceana, le département des sciences de la vie de l’université d’Essex, le Centre d’action régional des Nations unies pour la Méditerranée (PNUE / PAM – SPA RAC) et le laboratoire de géographie physique de l’université nationale et kapodistrienne d’Athènes, ont pu commencer à cartographier la distribution de ces précieux habitats dans la mer Égée et dans d’autres régions du nord-est de la Méditerranée. Au cours de l’année à venir, le consortium poursuivra les aspects législatifs afin d’assurer la protection des zones cartographiées de manière préliminaire.
Tim Grandjean, Anastasia Miliou, Alice Malcolm-McKay de l’Institut Archipelagos for Marine Conservation.